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JUIN- JUILLET-AOÛT 2014 | N°3 | VINO ! 51

JUIN-JUIllet-aoUt 2014 | N°2 | Vino ! 51

Bio à tout prix ?

Le monde du vin a connu récemment un vif débat suite à la con-damnation d’un vigneron bourguignon, Emmanuel Giboulot qui avait refusé d’appliquer un traitement recommandé par son interprofession pour lutter contre une maladie qui menace une grande partie du vignoble français: la favescence dorée. Une péti-tion, réunissant des professionnels, des journalistes et bon nombre d’amateurs de vin a par ailleurs rencontré un très vif succès et a entraîné des réactions passionnées. Et comme toujours… quand la passion s’en mêle la raison s’oublie…

La lutte vers une viticulture moins polluante reste un combat essentiel pour la pérennité de la profession. Tout ce qui peut con-tribuer à conscientiser le grand public va dans le bon sens puisqu’il incitera sans aucun doute les vignerons à faire les bons choix et à limiter drastiquement l’utilisation de pesticides et autres produits phytosanitaires. Mais dans le cas d’Emmanuel Giboulot, un grand nombre des 470 000 signataires ont très probablement une con-naissance approximative du dossier et de la menace que constitue réellement la favescence dorée sur le vignoble français.

La favescence dorée est une maladie grave. Cette jaunisse est cau-sée par un phytoplasme, une minuscule bactérie, qui se développe dans les vaisseaux conducteurs de la vigne. L’insecte qui le véhicule d’un pied à l’autre est une cicadelle dénommée «Scaphoideus tita-nus». Sa larve naît saine, mais devient infectieuse au bout d’un mois si elle se nourrit sur un pied malade. L’insecte pourra alors contaminer les souches sur lesquelles il s’alimentera par la suite. Le caractère épidémique de cette maladie est liée au fait que cette cica-delle vit sur une seule plante: la vigne. Pour enrayer cette progres-sion, il est nécessaire de planter des plants indemnes et de maintenir très basse la population de cicadelles. Depuis 1994, la lutte contre la favescence dorée est obligatoire sur tout le territoire français. Malgré tout, la maladie progresse de manière inquiétante. Si elle se limitait au Sud-ouest, au Languedoc et à l’Aquitaine au début des années 2000, on rencontre actuellement des foyers inquiétants dans les vignobles de Charentes, du Beaujolais et de Bourgogne. Pour combattre efcacement lamaladie en limitant la population de cicadelles, les chercheurs de l’INRA ont mis sur pied une molécule chimique. Par intérêt collectif son utilisation a donc été «imposée» par arrêté ministériel dans les régions menacées. Ceci engendre bien évidement la polémique des producteurs bio qui s’orientent quant à eux vers une solution paradoxale: l’utilisation de pyréthine, une molécule naturelle mais néanmoins très controversée comme le sig-nale Olivier Lefaive, un autre producteur bourguignon bien connu. En cas d’attaque violente, quel que soit le mode de traitement, nous ne nous interdisons rien en choisissant bien évidemment le moins polluant. Nous sommes avant tout pragmatiques et refusons l’intégrisme aveugle car nous considérons qu’il y en a déjà assez dans le monde! Un exemple frappant? La lutte contre la favescence

dorée, féau qui s’accélère et face auquel nous avons actuellement deux solutions:

1) la première acceptée par l’approche biologique: un produit (pyréthine) à base de molécule identique au sarin (un gaz mortel) qui élimine bien la favescence mais qui tue aussi toute la faune auxi-liaire (typhlodrome, abeilles).

2) la deuxième, un produit chimique (pyrévert) mais sélectif, donc qui n’attaque pas la faune auxiliaire.

Vous l’avez compris, dans ce cas le produit «bio» est plus nocif que le traitement chimique! Alors, que faut-il faire? Que feriez vous à notre place?

Bio à fond ou décision raisonnée? Sans certitude absolue, nous avons décidé d’être raisonnable pour faire les grands vins que vous connaissez…

Dans le contexte actuel, il est essentiel de prendre un peu de recul et de s’interroger sur l’avenir de la viticulture. Pour maintenir une production de qualité, il faut maintenir une vigilance et des eforts de recherches dans tous les domaines. La démarche d’Emmanuel Giboulot est sans aucun doute celle d’un viticulteur passionné cou-rageux et amoureux de son métier. Elle aura au moins eu le mérite de poser certaines questions sur l’avenir de la viticulture auprès des consommateurs et des pouvoirs publics.

oenologie

Par Thomas Costenoble

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