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Il y a quelques semaines, grâce à Jochen, un grand expert de vins anciens, j'ai eu l'oppor-tunité de participer à une dégustation bien originale. Il s'agissait de comparer Rioja et Bordeaux (plus une addition bourguignonne), sur la décennie 1920.

La partie a commencé avec un Cham-bertin 1921 de Chanson, trop evolué au nez mais bien ferme, avec une trame tannique ser-rée, en bouche, et une fnale plus propre. Bien au-delà de son meilleur moment, le vin valait quand même beaucoup de respect.

Puis, le López de Heredia 1920, bouteille Bosconia, était magnifque dans sa vivacité, avec le style unique de la maison, à un point tel que l'on dirait à l'aveugle que c’est un Ton-donia, avec 50 ans de moins. Complexe, équi-libré, persistant, un grand.

Le Marqués de Riscal 1922 montrait, lui, un style plus austère, très élégant. Il ressem-blait plus à un beau vieux Pauillac qu'à un rioja. Délicieux.

Le Château Margaux 1926 était fatigué, et la volatile commençait à l'emporter sur l'alcool. Le Marqués de Murrieta Ygay 1925 ressemblait à une diva de l'opéra qui meurt len-tement, avec de petits cris élégants. Il a dû être très bon il y a 20 ans.

Cos Labory 1928 était déjà un respectable cadavre. Le Reserva Especial 1928 de Pater-nina, apparemment mis en bouteille dans les années 60, avait une belle chair et un style très classique de Rioja, mais sa fnale était courte et pas très complexe. Le Royal 1929 avait muté son alcool en vinaigre.

Quand Rioja dominait deux buts et demie à zéro, une belle surprise arriva, donnant le but de consolation et même plus à la France. Il s'agissait d'une mise en bouteille belge de Château Pétrus 1924. Délicat, complexe, très fnement structuré, rond et long, un vin émou-vant, inoubliable.

À vrai dire, on s'attendait à un tel résultat. Les vieux vins de Rioja ont une vivacité épatante,

montrent une noblesse inattendue par la plu-part des amateurs d'aujourd'hui. Les grands millésimes jusqu'à 1970 sont absolument recommandables. La série des Marqués de Riscal est toujours la plus remarquable, le 1929 et 1945 au top de ce que je connais, mais aussi le 1964 que j'ai goûté la semaine der-nière, un vin plein de vie, rond et volumineux, frais, expressif, ou le 1958 dégusté à la même occasion, plus discret au nez, avec des tanins serrés au palais qui dénoncent une proportion importante de cabernet-sauvignon dans le coupage.

Mais aussi le Rioja Alta Gran Reserva 904 de 1964, un vin qui nécessite même une certaine aération pour s'ouvrir, se montrant dense, profond, solidement bâti, avec une finale délicieuse, le Tondonia 1956 ou l'incroyable Tondonia blanc 1968, un vin unique au monde, presque mythique avec une expression invraisemblable de fraîcheur et de complexité dans un style de crianza poussé à l'extrême.

Ce sont des vins que l’on pouvait acheter il y dix ans à des prix ridiculement bas. Main-tenant, un vrai marché pour ces vins com-mence à se constituer, et les prix sont plus conséquents, mais toujours beaucoup plus bas que pour leurs contemporains bordelais ou bourguignons.

Faute de marché, la plupart de ces vins n'ont pas beaucoup bougé, ce qui est un gage de qua-lité sur les conditions de conservation.

Pour ceux qui s’intéressent aux riojas jeunes et à leur capacité de vieillissement, je n'ose pas recommander les cuvées plus modernes, avec beaucoup de fruit et, d'accord, assez boisés, qu'il faut d’ailleurs boire avec leurs qualités présentes. Je recommanderais les Gran Reser-vas les plus classiques comme 890 de La Rioja Alta, Prado Enea de Muga, Viña Tondonia de López de Heredia, et même, dans un autre style, Barón de Chirel de Marqués de Riscal. Dans les grands millésimes, ces vins devien-dront le meilleur cadeau d'anniversaire des noces d'or et de diamant…

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