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Vino! | N°5 | decembrE 2013

Le mundillo du vin espagnol est en effervescence. Dans un environnement économique et politique en crise et un marché du vin national durablement déprimé, un vent frais souffe en Rioja, région emblématique de la viticulture espagnole. Pour la première fois de son histoire, la présidence du conseil régula-teur passe entre les mains d’un viticulteur: Luis Alberto Lecea, un homme de la terre. Nous le rencontrons à l’occasion de la European Digital Wine Conference organisée cette année à Logroño. À mille lieues des likes, shares et autres tweets, dans son fef de San Asensio où nous parcourons d’abord les quatre bars du village pour y boire du clairet et acheter un «chuletón» qu’il grillera chez lui aux sarments de sa propre vigne.

Q: Quelle est ta relation au vin ?

Ce n’est rien d’autre que ce que tu viens de voir, ces gens dans ces bars, cet environnement où le vin est omniprésent. Mon père était viticulteur-élaborateur, mon grand père aussi, et je pourrais remonter ainsi sur plusieurs générations. Ils cultivaient leurs vignes et produisaient les vins qu’ils commercialisaient. J’insiste sur cette distinction car le concept de «bodeguero» (de grandes caves qui élaborent les vins pour un grand nombre de viticulteur, ndlr) est relativement récent et date de l’arrivée des Français en Rioja il y a 140 ans.

Q: Pourquoi aura-t-il fallu attendre 2013 pour voir un viticulteur à la tête de l’appellation ?

La situation se normalise enfn, les viticulteurs élaborateurs ne pouvaient plus être exclus des sphères dirigeantes de l’appellation. Cette alternance vignerons-bodegueros est saine. L’appellation est un bien commun qui appartient aux inscrits dont nous venons de croiser un bel échantillon dans les bars de San Asensio: même eux doivent pouvoir s’impliquer dans l’institution et dans ses décisions, même s’il n’est pas toujours facile de concilier l’emploi du temps du viticulteur et celui du Conseil Régulateur.

Q: Comme gère-t-on une appellation comme la Rioja qui occupe une place prépondérante dans le panorama viticole espagnol ?

La Rioja est une appellation viticole qui se répartit sur trois régions espagnoles: la principale étant la Rioja à proprement parler, l’Alava et la Navarre. Avec autant d’interlocuteurs, les malentendus ou les diférends sont fréquents mais ils relèvent

plus de confits politiques que de tensions réelles entre professionnels. In fne, ceux qui décident sont les membres de l’appellation, quoique puissent en dire les politiques.

Q: Comment expliques-tu le succès de la Rioja ? En plus d’un climat et d’un terroir, nous avons une population de grande culture viticole qui est le fruit d’une histoire de plus de 500 ans. C’est une conjonction d’éléments positifs: un climat, une terre et ses habitants. A cela s’ajoute la constance, nous avons misé très tôt sur le contrôle de la production et sur la qualité du produit puis parié sur la promotion tant en Espagne comme à l’export. Ces trois piliers expliquent je crois le succès de nos vins et leur leadership. Il nous reste aussi à mettre en avant cette longue histoire derrière nos vins, c’est pourquoi le tourisme viticole est pour nous fondamental tout comme la communication digitale avec la European Wine Communication Conference et ses 300 communicants provenant du monde entier: ils vont partager avec leurs lecteurs notre histoire et c’est notre meilleure publicité.

Q: Comment se présente cette promotion des vins de Rioja ?

En Rioja, nous avons investi dans un produit d’image. Aussi bien le vin que l’architecture, c’est un investissement qui portera ses fruits dans le temps. Les autres régions n’accumulent pas un tel passé, c’est notre atout. À l’export, nous sommes très présents en Angleterre et aux États-Unis. Nous avons détecté également un grand potentiel au Mexique et en Chine. En Europe, outre le Benelux qui reste un marché de référence pour nos vins, la Suisse est une de nos priorités. Il ne faut pas rêver, on ne peut pas être partout et mettre en route des actions de promotion sur tous les marchés au risque de perdre en énergie et efcacité.

Q: La Belgique est un grand marché de consom-mation des vins de Rioja mais sa capitale est aussi celle de l’Europe, quels sont les enjeux actuels sur le plan communautaire ?

Je crains que malgré le chemin parcouru et les résultats obtenus, les instances européennes ne nous laissent pas continuer notre route comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. J’ai peur que l’on nous oblige à changer ce système qui fonctionne pourtant bien, il faut rester vigilant. En Rioja vivent 17.000 agriculteurs, 600 caves dont 400 sont petites et 200 grands groupes internationaux. Bouleverser ce modèle est bien plus qu’une question d’économie, il s’agit d’un enjeu social vital pour la région. Le vin est plus qu’un produit, c’est un enjeu humain et historique qui se vit et se respire en Rioja.

Le vin est un enjeu humain et historique

qui se vit et se respire en Rioja

Par Frédéric Galtier

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