Page 43 - Flipbook FR 3-2012

Il y a des politiques qui font appel à l’in-telligence des citoyens. Par exemple, la politique de sécurité routière, axée sur le comportement des usagers. Personne n’a jamais songé à interdire les voitures. Il est évident pour nous tous que, la voiture, en plus d’être une source d’activité écono-mique et de plaisir, n’est dangereuse que si elle est mal utilisée.

Par contre, en ce qui concerne le vin, dans un nombre croissant de pays européens, les politiques assurent que le citoyen est immature et mettent la faute sur le vin. Au lieu de promouvoir une consom-mation responsable du vin, on démolit le produit. Les bienfaits du vin ne sont pas considérés, seul la teneur en alcool compte. Les autorités ne veulent pas ac-cepter ce qui est évident: comme pour les voitures, seul un mauvais comportement est un problème.

Je ne comprends pas pourquoi les stra-tégies anti-alcool suivent le modèle des politiques anti-tabac. Le vin et la cigarette n’ont absolument rien à voir. Le vin est, comme le sucre, le café ou les graisses ali-mentaires, un aliment qu’il faut prendre avec modération pour bénéfcier de ses qualités. Sucre, café, graisses et vin, pris en excès, sont mauvais pour la santé et peuvent créer une dépendance. Pourquoi donc ne pas suivre la même politique pour ces quatre produits?

Il est pourtant facile d’informer d’une façon transparente, en faisant confance au discernement. On vient de fêter la Bruxelles Wine Week, où des événements sur le vin sont adressés au grand public. J’ai demandé de façon informelle à plu-sieurs policiers s’ils avaient remarqué plus de problèmes d’ébriété que durant d’autres week-ends. Pas du tout ! Un d’eux m’a même répondu : ‘les gens qui parti-cipent à cette fête ne sont pas les gens qui boivent abusivement’.

Il est clair que la fête faisait appel à l’intel-ligence. Les gens dégustaient plusieurs vins, toujours en petite quantité, chez

Bravo aux autorités bruxelloises qui ont promu la joie intelligente dans les rues ! Pourtant, il est probable que la politique anti-alcool basée sur les modèles français ou espagnol arrive en Belgique. La démo-nisation de l’alcool a des conséquences néfastes pour tous. En premier lieu, elle est vouée à l’échec puisque elle génère une réaction, surtout de la part des jeunes ; les jeunes boivent plus d’alcool que de vin. Elle mélange toutes les bois-sons alcooliques et minimise ensuite les valeurs culturelles, sociales, éthiques et esthétiques du vin et d’autres boissons, comme le cidre et les bières artisanales, qui sont un patrimoine de l’humanité.

Finalement, cette politique est particu-lièrement nocive pour les cavistes. La grande distribution, avec le soutien des grandes marques, sont les bénéfciaires de cette politique qui ne fait aucune dis-tinction entre le vin et les autres boissons alcoolisées, en tendant à simplifer l’offre. Nous devons tous communiquer les bé-néfces d’une consommation responsable du vin, les cavistes sont ceux qui sont le mieux positionnés et intéressés à le faire. Ils parlent tous les jours avec les consom-mateurs; ils expliquent la complexité et le prestige des vins ; leur intérêt pour d’autres boissons alcoolisées est moindre. Ils ont une position idéale pour passer un message sur les valeurs qui font du vin un produit différent. C’est pour ça qu’il serait très important qu’ils participent à des ini-tiatives comme la campagne Wine in Mo-deration. Si nous réussissons à démontrer que la consommation intelligente du vin est un antidote contre l’alcoolisme, on aura gagné sur trois fronts : la continuité d’un secteur, la lutte contre l’alcoolisme et la poursuite de la joie de vivre.

Pedro Ballesteros est Ingénieur Agronome, Master en Viticulture et

en Oenologie, Weinakademiker à Geisenheim et il est un

des trois «Masters of Wine» qui habitent la Belgique.