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« Previous Page Table of Contents Next Page »Des soldats ont arpenté les lieux pendant la construction du site. Ils appartenaient aux légions de l’empereur Auguste, dix ans avant que le monde ne bascule dans l’An 0. Au début, les troupes romaines n’occupaient qu’une petite colonie près d’un lieu qui était déjà sacré pour les Phéniciens : Baalbek. C’est là qu’ils ho-noraient leur dieu Baal. C’était aussi un endroit idéal pour se reposer sur la route reliant Damas à la mer Méditerranée. Le site que les Romains ont construit ici est, paraît-il, aussi grand que le complexe de pyramides de Gizeh. Inutile de préci-ser que la comparaison s’arrête là, parce qu’ici, le tourisme de masse n’existe pas. A tort ! La plus grande pierre jamais tra-vaillée par la main de l’homme se trouve sous ces ruines. Il s’agit d’un mégalithe de plus de 1.000 tonnes, qui faisait jadis partie du mur occidental. On touche là à un premier grand mystère de la Vallée de la Bekaa : la science actuelle est incapable d’expliquer comment un objet aussi im-posant a pu voir le jour.
Rien dans les manches, tout dans les poches
Pas de balles qui siffent, donc. La situa-tion politique tumultueuse et la guerre civile latente ont pourtant un impact sur la vie quotidienne. De retour à l’hô-tel Palmira, nous devons nous passer d’électricité. Une charmante attention du Hezbollah, qui contrôle la région. Cela provoque quelques situations sur-réalistes, à tout le moins aux yeux d’un occidental. Prenons par exemple le sou-per. Un gigantesque feu est allumé dans l’âtre de la salle à manger. Un poulet y est en train de rôtir et le chef de service sort tout bonnement le reste des ingrédients du fn fond de ses poches : sel, ail. A notre demande, il sort un peu plus tard de ces mêmes poches un verre, un sommelier et une … bouteille de vin. Un Massaya
Silver Selection . Les arômes généreux du vin et sa texture soyeuse ont, par cette soirée un peu fraîche et sombre, tout d’un nectar provenant d’une planète où on ne goûterait que ce qu’il y a de meil-leur. Jamais auparavant, nous n’avions pu comprendre ce que représente la dégus-tation d’un grand vin au beau milieu des privations de la guerre. Et la guerre fait rage tout près d’ici. Damas, capitale de la Syrie, se trouve à une journée de route. Ici, des récoltes ont déjà été perdues sous les bombardements. Des vignerons ont même été arrêtés, soupçonnés d’espion-nage. C’est sans doute la raison pour la-quelle on dit que pour faire du vin dans la Bekaa, il ne sufft pas de s’y connaître en viticulture.
Mais dans la Vallée de la Bekaa, où poussent des cèdres de 3.000 ans qui sont les plus vieux au monde, la nature do-mine. Pas l’homme. Et cette nature reste idyllique: un miracle de fertilité entre les montagnes et le désert syrien. Dans la vallée elle-même, la végétation pousse
et les abeilles s’en donnent à cœur joie avec les feurs. Les fancs des collines sont couverts d’un tapis vert de vignobles. Malheureusement, les combattants du Hezbollah ont posté leurs camps de for-mation dans les montagnes et il est im-possible de parcourir 10 kilomètres sans croiser un char.
Les historiens ont démontré que l’on élabore du vin ici depuis 4.000 ans. Tou-tefois, les méthodes modernes d’élabo-ration du vin qui ont fait la notoriété du vin libanais chez nous n’ont qu’une trentaine d’années. A l’époque, les seuls producteurs encore en activité étaient le Château Ksara , un domaine qui fut fondé par les Jésuites en 1857, et le Châ-teau Musar , qui fut développé dans les années ’30 du siècle dernier. Jusque dans les années ’90, ces deux producteurs
n’étaient actifs qu’au niveau local. Mais tout a changé à partir de 1990. Le Châ-teau Kefraya et une dizaine d’autres do-maines, souvent de petite taille, ont vu le jour, inspirés par la viticulture française moderne. Robert Parker s’est immiscé dans le débat en qualifant les réalisations au Liban de “amazing.” Il a notamment attribué 91 points au Château Kefraya
‘Comte de M’ 1996. Pas de doute, on fait donc du grand vin ici ! Ce fut un signal indiquant que le pays valait la peine que l’on y investisse. Musar et quelques nou-veaux venus, tels que la boutique winery
Château Massaya , ont commencé à faire des vins toujours meilleurs et à se frayer un chemin jusqu’à la distribution en Europe.
Michel Bustros du Château Kefraya
Michel travaille depuis son bureau dans Beyrouth-Est. Loin du luxe et des bou-tiques chics du centre. La simplicité de son bureau dans la zone industrielle n’a rien à voir avec son imposant château
dans la Bekaa, avec son mélange d’archi-tecture arabe et vénitienne.
Michel de Bustros a du mal à dissocier son vignoble des événements politiques du pays. Jusqu’en 1990, une viticulture régulière était pour ainsi dire impossible, en raison de la guerre civile. Des bom-bardements israéliens ont également endommagé les vignobles en 1995 et 2006. En 2006, l’occupation israélienne l’a éga-lement empêché d’accéder à son domaine depuis Beyrouth. “J’ai eu de la chance que la vendange 2006 ait pu être sauvée. Mais mon voisin historique, le Château Ksara, a perdu sa récolte parce que ses vendan-geurs ont été évacués. Cela n’a pas empê-ché l’œnologue de M. de Bustros, Yves Morard, d’être arrêté pour espionnage. Incompréhensible ! On aurait dit un scé-nario tragi-comique. Il a dû prouver qu’il
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Hotel Palmira Michel Bustros
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