Page 12 - Flipbook VINO FR 1-2012

Nous suivons la vallée de l’Ebre et le paysage ne change pratiquement pas: de douces collines, de pe-tites villes calmes et surtout des indices de précipitations très basses. Lorsque nous pénétrons dans la province d’Aragon après 80 km, nous arrivons dans la petite ville de Fuendejalón et décou-vrons la Bodegas Aragone-sas, l’ambiance est toujours très calme.

«Le succès de cette coopérative, qui fournit du travail à 1000 fa-milles, est dû au fait que la direction n’a juré que par le grenache autochtone et n’a pas pris le chemin des cépages internationaux. Nous voulions continuer à produire un vin présentant une identité propre» selon le responsable commercial Javier Sierra . «Au to-tal, nous gérons 4000 hectares, ce qui représente une production de 8 millions de bouteilles. Grâce à la Cordillera Iberica, les pluies sont retenues et nous ne notons que 300 mm de précipitations par an, à seulement 4 heures de route de Bordeaux.»

L’œnologue Javier Vela Cuartero nous a préparé une dégustation de 4 grenaches (100%) de pointe de la maison - chacun répondant à une approche différente, en fonction de l’élevage et de la sélec-

tion des parcelles. Les 4 vins ont été élevés exclusivement dans du chêne français. Pourquoi ? Javier Vela Cuartero: «Lorsqu’on utilise du chêne américain, la quantité de tannins est plus élevée, car le bois en libère lui-même. Ceci ne s’accorde pas au caractère du gre-nache. Le chêne français confère un caractère plus épicé au vin, qui est justement intéressant dans ce cas.»

Notes de dégustation :

• Garnacha Centenario 2009 (production : < 30.000 bouteilles, 3 mois de barrique) Très pur, expressif, une couleur claire, tout en étant généreux, une palette avec un retour surprenant de fruits rouges et noirs, une jolie note de poivre noir en fnale et des acides qui apportent de la fraîcheur et de l’élégance. Un vin de pointe. • Coto de Hayas Reserva 2006 (12 mois de barrique – pieds de 40 ans) Epices chaudes, charme du bois, chocolaté. Un classique avec un bel équilibre convaincant. Un vin savoureux, mais avec une acidité un peu trop faible.

• Aragonia2008 (8mois en fût de chêne et 18mois dematuration en bouteille - décanté) Beaucoup de fruits, de feurs sauvages et d’épices, de la structure et de la fraîcheur. En bouche des fruits compacts avec un retour d’épices. Concentré sans excès. Des tanins solides.

• Fagus de Coto de Hayas 2008 (production 75.000 bouteilles, 9 à 10 mois de chêne, non millésimé car assemblé avec 15% d’autres mil-lésimes, avec l’objectif de produire un vin souple avec peu de tannins). D’abord discret, avec une infuence notable du bois, après aération un mélange de petits fruits sauvages, de feurs et d’épices. Concentré en bouche, moka, toast, grains torréfés, une belle structure.

Josep Grau a d’abord tra-vaillé comme œnologue dans différents domaines de Priorat. En 2003, il a eu la possibilité d’acheter un châ-teau original dans la ville voisine de Montsant , dis-posant de caves à vin inté-ressantes, appelé Mas Fi-gueras (Cf. également Oe-notourisme ). En 2008, il a pu acquérir quelques par-celles exceptionnelles, car

René Barbier ( cf. Clos Mo-gador) voulait se concentrer sur le Priorat. Josep Grau travaille en lutte raisonnée et espère pouvoir se tourner un jour totale-ment vers la biodynamie. Il ne clarife, ni ne fltre. Josep n’est pas étonné que le grenache a été impopulaire pendant longtemps en Espagne: «Nous avons dû attendre que les Français nous montrent la voie. Nos vins étaient trop alcoolisés, trop lourds.» Maintenant,

les vins sont plus frais et plus équilibrés, un résultat non seule-ment des techniques de vinifcation, mais surtout du travail dans les champs: les anciens pieds et les rendements bas rendent le cépage intéressant. «Tout aussi important: vendanger au bon mo-ment, si la teneur en tannins du raisin est basse, on doit vendanger lorsqu’il reste encore suffsamment d’acides.» Il nous explique que deux vents sont importants pour le climat de la région: la Tramon-tane , un vent de terre qui vient du nord et le Garbi , qui vient di-rectement de la mer.

Il travaille avec du vieux grenache et de la garnacha peluda , mais dispose également d’un hectare de vieux cariñena, fournissant à peine 700 litres de vins. Nous avons eu droit à une petite dégus-tation verticale:

notes de dégustation:

• Dosterras 2009. Un arôme très intense et séducteur d’épices et d’amandes. Ample en bouche, confturé, gouleyant et structuré. Au-cune présence de sucre résiduel.

• Dosterras 2008. A nouveau expressif au départ, mais plus ferme et élégant en bouche, avec plus d’acides en fnale.

• Dosterras 2007. Des épices fraîches et une texture agréable, fne, de la mâche, une fnale soyeuse. Un vin de pointe.

• Dosterras 2005. Un vin à maturation parfaite, avec des acides et des tanins fondus. Un vin de repas particulièrement savoureux. • Vespres 2009 (80% garnacha / 20% cariñena). Un refet rouge foncé, moins de concentration, encore fermé, mais accessible et avec une certaine élégance.

• Vespres 2008 (80% garnacha / 20% cariñena). Plus expressif que le 2009, savoureux et harmonieux.

Le retour du garnatxa dans le Priorat.

Dans l’Aragon, nous suivons l’Ebre jusqu’à Saragosse. Nous traversons ensuite la Cordillera et approchons, 200 km plus loin, de la côte, près de Tarragone. Nous y trouvons le célèbre Priorat, l’appellation qui est apparue, venant de nulle part, il y a environ 20 ans et qui ne jurait au départ que par les cépages internationaux. Jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que la garnacha (localement «garnatxa») était nécessaire pour rendre une âme aux vins. Actuellement, on y trouve même des vins produits à quasiment 100% à partir de garnacha, tels que le Fra Fort. (Cf Vino n° 3-2011, Découvertes du mois) . Priorat a bien entendu la réputation d’être surmédiatisé. Une raison de plus pour nous d’accorder plus d’attention à l’appellation entourant en grande partie Priorat : Montsant. Le grenache n’y a jamais été trahi.