Page 11 - Flipbook VINO FR 1-2012

Le village basque de San Martin de Unx se situe dans une partie de Navarre appe-lée Baja Montaña. Les plus anciens vignobles autour du village ont été rachetés, il n’y a que quelques an-nées, par le couple particu-lièrement dynamique Elisa Ucar et Enrique Basarte , fondateurs du Domaines Lupier.

Tous deux sont originaires de la Navarre. Il est ingé-nieur agronome et œno-logue, elle a suivi une formation économique et travaillait pré-cédemment chez Enate . Lui travaillait chez Chivite et Faustino . Personne ne leur a vendu l’idée de la biodynamie, ils ont évolué en toute autonomie dans cette direction et savaient parfaitement ce qu’ils voulaient lorsqu’ils ont acheté leur premier vignoble en 2006. En six années, ils ont acquis 17 hectares de vignobles, tous plantés de grenache ancestral. Après tout ce temps, les pieds, plantés selon le principe de vaso (bush vine - en gobelet), ne fournissent que 15.000 facons. Nous parlons donc d’un rende-ment extrêmement bas de moins de 7 hl par hectare . En 2008, le couple a acquis une grande maison au centre de la commune, disposant d’une cave profonde, parfaite pour travailler par gravité.

«Comme en de nombreux endroits d’Espagne, depuis 1970, le gre-nache a été arraché au proft du tempranillo. Depuis les années ‘90, le merlot et le cabernet ont fait leur apparition. Actuellement, il ne reste que 20% de la superfcie plantée en grenache,» nous dit Elisa. Selon Enrique, historiquement, le cépage provient d’Aragon, sous la montagne Montcayo. Par l’altitude élevée (400 à 750 mètres) ils considèrent leurs vignobles comme septentrionaux, une région

plus fraîche, comparable à la région septentrionale du Rhône. La plantation sur les fancs rugueux des collines était à l’époque réali-sée en terrasses. Le traitement des vignobles et les vendanges sont réalisés à la main, ce qu’Enrique et Elisa veulent conserver. Ils ne cherchent plus à agrandir leur vignoble. Le volume n’étant pas le but, ils sont à la recherche de la qualité.

Au cours du processus de vinifcation, Domaines Lupier autorise jusqu’à 20% de rafe, parfois uniquement pendant la prémacéra-tion, en fonction du millésime. Leur garnacha, contrairement à sa réputation, est très colorée. «C’est normal, lorsque les rendements sont bas» explique Enrique. Ils utilisent principalement des ‘ton-neaux’ de 500 litres, avec un maximum de 15% de chêne nou-veau. «Nous discutons de tout ensemble, mais nous sommes éton-namment vite d’accord lorsqu’il s’agit des assemblages des différents crus» nous dit Elisa.

Nous avons dégusté le 2008 de la maison, les premières ven-danges totalement produites par le couple, après la conversion en biodynamie.

notes de dégustation:

• El Terroir 2008. Il est étonnant de goûter ce vin en premier lieu, car il a plus de corps que le second. Un arôme magnifquement dé-veloppé, avec une note grasse de noix broyées et, après aération, de café torréfé. Musclé en bouche, avec beaucoup de structure. Un caractère légèrement terreux, relevé par une fn de bouche épicée, avec des tannins parfaits. Un vin monumental !

• La Dama 2008. ‘«Dama» signife «dame», une femme rafnée, ce que le grenache doit être, aux yeux des auteurs. Un arôme irré-sistible, du charme et du caractère en même temps, séduisant et convaincant. Une toute légère note de camomille. A nouveau onc-tueux et gras, avec une note de noix broyées. On y trouve des notes torréfées, mais également des fruits rouges frais. En bouche il est généreux avec une large palette d’arômes. On y trouve également des notes d’acidité qui rendent le vin gracieux.

Francisco Ruiz Gutiérrez et son père. Les deux envisageaient dès le départ une viticulture bio-logique. Francisco n’est pas présent lors de notre passage, mais nous avons pu rencontrer sa sœur Rocío et l’œnologue Aurora Rayo .

Au départ, la famille ne disposait pas de vignobles propres plan-tés de grenache. Les vieux grenaches devaient être achetés à l’ex-térieur. Donc oui, même dans la région du Rioja, on produit des vins de grenache. Ils en ont trouvé de très particuliers, dans une région à microclimat appelée Valcaliente , une région désertique avec quelques bandes plus fertiles, riches en sels minéraux, en argile et en calcaire. Au total, Valcaliente forme une bande de 11 sur 2 km. Les vignobles sont enfermés dans une région naturelle de pins parasol qui dégagent une odeur fraîche, que nous retrou-

verons dans les vins. Nous nous trouvons dans la Rioja Baja, une région plus proche de la rivière, que nous imaginions dès lors plus verte, mais c’est l’inverse. Il n’y pleut pratiquement pas: 225 mm/ an. En 2011, aucune goutte n’est tombée en juillet, ni en août. Pour plus de précipitations, il faut aller jusque dans la région de Rioja Alavesa.

Il en résulte à nouveau des rendements extrêmement bas: maxi-mum 3 tonnes/ha, voire 2 tonnes, ce qui représente 16 à 25 hl/ ha pour les vieux pieds de vigne. Une nouvelle plantation fournit quasiment le double : jusqu’à 5 tonnes/ha. Dans les caves, on ob-serve l’utilisation d’un chêne plutôt original : principalement des barriques en chêne hongrois , ainsi que des barriques en prove-nance de Roumanie, de France et d’Amérique. L’œnologue Auro-ra Rayo préfère le chêne de Hongrie, car son arôme s’associe bien aux feurs sauvages.

Notes de dégustation :

• Valcaliente Rioja 2010 Rosado (garnacha avec tempranillo et graciano) Gras au nez, fruits rouges, une jolie fnition épicée, un ro-sé de repas.

• Valcaliente Rioja 2008 (garnacha avec des parties de tempra-nillo et graciano, seulement 13% d’alcool). Un nez très expressif de baies, soutenu par du bois, des herbes sauvages et des feurs, de la garrigue, du chocolat. De la rondeur, sans gras excessif, en bouche, des tannins soyeux. Une belle fnale lisse et fraîche.