Page 62 - Flipbook VINO 5-2011 FR (2)

Vins et

Chocolats

Par Eric Boschman

En matière d’accords vins et mets, il y a au moins deux écoles dans le monde aujourd’hui. D’une part, ceux qui rêvent d’accords absolus, qu’importe le facon pourvu que l’on ait le concept, et tant pis si c’est totalement irréaliste. D’autre part, les tenants d’une voie un rien plus médiane, mais accessible au commun des mortels, quitte à briser un peu le rêve. J’ai une fu-rieuse tendance à préconiser des accords possibles avec des vins existants et à des prix normaux. Je me souviens, à l’occasion de l’un ou l’autre concours de sommelier, d’avoir entendu quelques candidats énon-cer des listes de vins vis à vis de plats qui, si elles avaient dû exister autrement que dans un monde purement virtuel, auraient repré-senté au bas mot, le PIB annuel d’un pays du Sud de l’Europe au moins. Chacun sait que pour accompagner une belle truffe, rien ne vaut un magnum de Petrus 61. A plus ou moins 25000€ à l’achat de nos jours, c’est certes séduisant comme idée, mais un peu loufoque dans le chef d’un sommelier offciant dans cette partie-ci du monde. Il en va de même en ce qui concerne les ac-cords vins et chocolats. Rien de plus évident qu’un magnifque Terrantès de 1794 pour accompagner un carré de Baracoa. Mais qui peut se l’ouvrir, sans même évoquer le plan pécuniaire ? Avant d’évoquer les détails des combinaisons diverses et aussi variées que les irisations dans les plumes d’un paon que l’on peut créer lorsqu’il s’agit de marier les chocolats et les vins, il faut faire un petit détour par quelques points historiques.

Au commencement était le cacao vendu par les apothicaires. Un produit aux vertus tellement complexes et intenses qu’il pre-nait place dans la pharmacopée occiden-tale autant que sur les tables de nuit des hédonistes. Dans cette confguration là, pas question d’y mêler le vin. D’autant qu’en

ces temps l’on n’accorde pas vraiment les mets et les vins, du moins pas de manière structurée. C’est que le vin se conserve bien mal. Lorsqu’au moment de la révolution in-dustrielle les codes de la table changeront radicalement, il sera question d’accorder les

vins et les mets de façon systématique, du moins dans notre partie du monde. Mais comme à ce moment, c’est le centre de l’univers, c’est ce qui prédominera dans la culture occidentale durant une très longue période. Dans Le Guide Culinaire d’Escof-

Au commencement était le verbe. Et puis vint le temps où l’on se mit à mêler les vins et les mets. Entre les deux il en aura fallu de l’eau qui coule sous les ponts…

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