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Vino! | N°5 | decembrE 2013

Ballesteros

Bordeaux 2009 visité à nouveau

Chaque année, l'Institut des Masters of Wine organise une dégustation des grands bordeaux du dernier millésime censé être prêt à boire. C’est le cas pour le 2009. «Ce fut pour moi la troisième occasion de suivre les meilleurs bordeaux, la première fut les primeurs en avril 2010 suivie par les présentations de l'Union de Grands Crus de Bordeaux en octobre 2011. Ces trois dégustations permettent de se faire une bonne idée du millésime. Dommage que d'autres régions prestigieuses ne fassent pas la même chose!»

Au moment des primeurs, je dois avouer que j'étais moins enthousiaste que beaucoup de collègues sur ce millésime. Si la majorité de vins sont d'un fruité intense, gouleyants, ronds en bouche et savoureux, d’autres se montrent lourds, un peu alcoolisés, un peu trop ronds pour être vraiment structurés, sans vivacité élégante typique des grands bordeaux. En conclusion il y avait beaucoup de beaux vins, mais peu de bordeaux classiques. On se demandait si les vins n'étaient que le résultat d'une saison météorologique magnifque ou s'il y avait une volonté de changement stylistique ayant trouvé dans le millésime son meilleur allié. Se posait aussi la question de la capacité de vieillissement de ces vins avec un pH plus élevé que d'habitude.

En 2011, mon avis était plus positif. Les vins de l'UGCB, récemment mis en bouteilles, se montraient majoritairement délicieux. Déguster une centaine de ces vins était un pur plaisir, une douche de charme. Quelques vins étaient déséquilibrés, mais les plus grands gardaient leur classe et leur qualité.

En 2013, j'ai dû revenir, en partie, sur ma première opinion. Après trois ans de bouteille, les vins perdent une partie de leurs erreurs de jeunesse: le fruit exubérant, le bois bien brûlé. Il est donc logique que les diférences entre les meilleurs et les autres s'accentuent. Mais les écarts entre les meilleurs vins classiques de 2009 se font plus grands que jamais. Il y a, à mon avis, trois types de vin.

Tout d'abord, les grandissimes. Ce sont des vins qui deviennent de nouveaux points de repère pour le dégustateur, la référence obligatoire pour décrire un grand bordeaux. Haut-Brion est un sommet de beauté, de fnesse, très dense. La trame serrée et le classicisme absolu de Lafte-Rothschild n'ont pas d'égal. La puissance tannique et la fnale incroyablement longue de Mouton-Rothschild feront parler de ce vin pendant des décennies. Palmer est devenu un chef d'oeuvre de structure en bouche, si puissant que l'on ne s'aperçoit pas des presque 15° d'alcool. Léoville-Las Cases est probablement

un des plus complexes jamais faits. Léoville-Barton se montre grandiose, unique, émouvant. Pichon-Baron montre une texture suave et sensuelle, une architecture solide, dans un style un peu atypique mais magnifque. Margaux est plus Margaux que jamais, toujours complexe, d'un rafnement unique. Beauséjour-Bécot entre dans la liste des plus grands, pour moi le meilleur St. Emilion en 2009.

Puis il y a les très grands bordeaux, des vins qui ont bénéfcié d'un plus de concentration et de la rondeur du millésime, mais qui gardent l'équilibre et l'élégance bordelaise. La Mission Haut-Brion est fnement grainée et promet un avenir radieux. Dauzac est probablement allé encore plus loin que son inoubliable 1990. Giscours joue sur la classe et la profondeur. Montrose joue un peu avec l'exubérance, mais sait maintenir son classicisme. Branaire-Ducru impressionne pour sa concentration, Langoa-Barton ofre une grande fnesse. Lynch-Bages est un des plus austères, un vin que sera au top pendant très longtemps. Pedesclaux est une très belle surprise, une propriété en pleine ascension. Pontet-Canet est presque dans la cour des grands, sa précision aromatique est unique. Cheval Blanc 2009 est sans doute un grand vin, mais pas au niveau de plus grands millésimes de son histoire. En St. Emilion, Canon La Gafelière et Balestard La Tonelle suivent de près Beauséjour-Bécot dans le même style, tandis que Figeac est très bon dans son style Figeac, mais un peu moins Figeac que d'habitude. A Pomerol, un seul vin mérite être mentionné dans la liste des meilleurs, La Fleur-Pétrus (on n'a pas dégusté Petrus ni Le Pin). J'arrive à la troisième catégorie, les vins décents, même assez bons, mais pas à la hauteur d'un millésime censé être excellent. Pas mal de ces vins présentent des arômes de prunes, sûrmuris, des notes de chocolat, des sensations brûlantes dues à un alcool excessif, un manque de vivacité….. Il semble que pour un bon nombre de vins, les arômes de jeunesse ne donnent pas un ensemble nécessairement harmonieux. Leur potentiel de vieillissement n'est pas du tout évident. Les problèmes semblent plus généralisés à Pomerol, à St. Emilion et dans une moindre mesure à Pessac-Léognan. Pour la Rive Gauche, les vins à forte proportion de cabernet s'en sortent mieux. En conclusion, 2009 est un millésime plus sélectif que ce qu’on attendait. L'écart entre les meilleurs et les autres est très grand, et je pense qu'il ne fera que s'élargir avec le temps. La plupart de vins sont à boire dans la décennie. Le millésime 2010 sera un meilleur millésime pour l'ensemble de Bordeaux. Mais rien n'égale la qualité des 2009 des plus grands!

Pedro Ballesteros est Ingénieur Agronome, Master en Viticulture et

en Oenologie, Weinakademiker à Geisenheim et il est un

des trois «Masters of Wine» qui habitent la Belgique.

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