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Vino! | N°5 | decembre 2013

Une enquête récemment publiée menée par "Que Choisir" , le magazine au service des consommateurs en France, a sélectionné 92 vins français afn de les soumettre à des analyses. But: quantifer les résidus de pesticides contenus dans les facons. Pascal Chatonnet, œnologue réputé, producteur talentueux à Bor-deaux et dans le monde et créateur du labo "Excell" à Bordeaux a été chargé par le magazine d’ effectuer les analyses souhaitées. Nous venons de le rencontrer en Gironde. Spécialiste en recherche de résidus et autres contaminants il répond avec objectivité et discernement aux accusations quelque peu excessives de certains. Un message qui se veut rassurant plutôt qu’alarmiste…

Bernard Sirot: Avec votre épouse, vous avez créé le labo Excell à Bordeaux. Il est spécialisé dans la recherche de contaminants du vin et des analyses fnes. Votre rayonnement est planétaire. Vous êtes donc particulièrement bien placé pour don-ner un avis sur les pesticides utilisés dans le monde entier.

Pascal Chatonnet: EXCELL a été créé il y a déjà 20 ans et nous avons efec-tivement développé une expertise dans les domaines de l’analyse fne. C’est-à-dire l’analyse de micro (millionième de gramme) ou de nano-constituants (milliardième de gramme) à fort impact sur la qualité ou la pureté du vin. Ces derniers peuvent provenir des raisins, des matériaux en contact (bois, liège, emballage) ou de l’environnement de la cave (atmosphère).

BS: Publiée dernièrement, l’enquête qui concerne des vins provenant de vignes cultivées en agriculture traditionnelle, en culture raisonnée et en bio en France n’y va pas de mainmorte. Relayée par une partie de la presse, belge notamment, cette enquête met en exergue l’importance des résidus de pesticides découverts au cours des analyses. Quel était le protocole demandé par les responsables du magazine ? PC: EXCELL n’est intervenu que comme prestataire de service, rien de plus. Les échantillons ont été transmis de manière anonyme et les analyses efec-tuées en mode multi-résidus (170 molécules recherchées) sous accréditation COFRAC.

BS: Faut-il être étonné par les résultats ?

PC: Je suis étonné par le tôlé autour de la publication de ces résultats…En fait je crois que les commentaires enfammés ont plus traité de l’accroche journa-listique retenue plutôt que des résultats eux-mêmes qui, à quelques exceptions près, ne montrent aucune situation critique. Bien au contraire. C’est donc devenu un débat journalistique car médiatique.

BS: Certains vins, très connus, présentent de nombreux résidus et des taux d’ug./ kg. non négligeables (quel est la signifcation de la norme ug./kg. ??? millionième de gramme/kg)?

PC: L’intérêt de ce genre d’étude qui s’intéresse aux vins sur les étagères de la grande surface est de réaliser régulièrement une photographie de la situa-tion et de la diversité des cas. Dans l’ensemble on peut se rassurer : les teneurs mesurées sont toutes faibles à très faibles à part une ou deux exceptions. Mais, mêmes dans ces derniers cas, aucun risque toxicologique n’est couru par les consommateurs ! Ensuite, les journalistes de QUE CHOISIR ont choisi un mode de présentation des résultats simplifé qui présente l’intérêt d’être intel-ligible par tout le monde. Il est vrai que scientifquement on ne peut pas nom-mer les résidus pour apprécier leur impact sanitaire. Mais ce n’était pas l’objet de l’étude car il n’existe encore une fois aucun risque sanitaire aux quantités

mesurées. Par contre, on peut ainsi se rendre beaucoup mieux compte de l’usage cumulé plus ou moins important en fonction des vins et ensuite du nombre de molécules appliquées dans le vignoble et qui se retrouvent rési-duaires dans le produit fni. A ce niveau on se rend compte que certains vins cumulent pas mal de molécules. D’autres, par contre, beaucoup moins ou pas du tout sans être dans ce dernier cas systématiquement issu de l’Agriculture Biologique (AB) ! Ceci prouve bien que l’on peut parfaitement produire, dans toutes les régions ou presque, des vins avec très peu ou même sans résidus de pesticides mesurables sans être nécessairement Bio !

BS: Certaines régions fançaises sont davantage montrées du doigt ?

PC: Il est évident que les régions ensoleillées, sèches et bien ventilées sont naturellement moins exposées aux ravageurs. Il est donc moins utile ou néces-saire de traiter les vignobles et bien entendu les concentrations en résidus sont plus faibles. Inversement, d’autres régions sont plus pluvieuses et notamment plus sensibles aux attaques de cryptogames comme le Mildiou, le Botrytis et l’Oïdium et nécessitent une protection accrue.

BS: De nombreux producteurs plutôt productivistes sont montrés du doigt ? Est-ce étonnant ?

PC: Certains producteurs sont des négociants ou des caves coopératives. Rien à voir avec le productivisme je pense. Pour faire leur travail convenablement, ils doivent assembler des vins de diférents producteurs aux pratiques cultu-rales très variables. Il s’ensuit dans ces vins souvent un nombre de molécules résiduaires plus élevémais pas forcément des concentrations plus importantes. Pour améliorer ces résultats il faudrait mieux harmoniser les pratiques de viti-culture et introduire un usage raisonné des produits phytosanitaires avec un

Interview avec

Pascal Chatonnet

Texte et photo de Bernard Sirot

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