Page 83 - Flipbook VINO FR 1-2012

Daniel Jiminez-Landi, Marc Isart et Fernando García . Le nom renvoie à une ancienne bande dessinée espa-gnole, dont des mousquetaires futuristes sont les héros. Le G renvoie cependant, pour ces trois œnologues, à la «Sierra de Gredos», le nom de la montagne où ils ont trouvé les anciens vignobles de garnacha, sur la ligne de démarcation de trois appellations: Méntrida, Vinos de Madrid et Vinos de la Tierra de Castilla y León. Ils ont créé le projet Garnacha de Gredos, afn de promouvoir leurs vins indépendamment des denominaciónes.

Juan Diez Bulnes vient d’une famille de viticulteurs de la région de la Sierra de Gredos, où l’on trouve la meilleure garnacha dans la D.O. Vinos de Madrid. «Il n’existait pas d’unanimité au sein de la famille» admet Juan, «une moitié voulait les champs, l’autre moitié la bo-dega. J’ai décidé de repartir de zéro et de construire une nouvelle bodega.» Les caves qu’il a fait construire ont mis en émoi toute la région: soudainement est apparu un bâti-ment étonnamment sobre, moderne, droit et fonctionnel dans la plaine ouverte à côté de la petite ville endormie San Martin de Valdeiglesias.

Marc Isart , œnologue de Bernabeleva, ne cache que diffcilement son enthousiasme lorsqu’on aborde la garnacha. «La garnacha est le cépage le plus sensible au terroir qui existe,» clame-t-il. «En-semble avec Juan, nous sommes partis à la recherche de champs exceptionnels, de préférence totalement isolés entre des bosquets de chêne nain ou de chêne vert (Encina, le chêne dont le porc ibérique de la race pata negra mange les glands), des pins, des broussailles et des épices, par exemple le thym citron, la lavande sauvage et les arbustes qui sentent bon le fenouil. Au total, Bernabeleva possède 35 ha. de vignobles sur un sol d’argile, de calcaire et de graviers,

avec, plus en altitude (jusqu’à 850 mètres) également du schiste et du granite. Bernabeleva signife en ancien indo-européen ‘le sentier de l’ours’» . Marc Isart travaille en biodynamie mais admet qu’il n’a pas encore pu totalement réaliser le cercle complet. Le labourage et le traitement des anciens vignobles, plantés en gobelet (vaso), sont réalisés avec une mule. Pour la maturation, il n’utilise que du chêne de deux et trois ans. Le vin jeune (exclusivement destiné aux Etats-Unis) est clarifé. Aucun vin n’est fltré.

Une sélection sévère est réalisée dans le vignoble. Nous visitons un vignoble dans lequel les raisins, début septembre, commencent à montrer des signes de dessiccation. «Nous ne pourrons rien utili-ser d’ici,» déclare Marc Isart. Les principes ne sont des principes que lorsqu’ils coûtent de l’argent.

Dans la cave, nous dégustons des vins en bouteille et de la bar-rique.

notes de dégustation:

• Luisilla 2010. Un vin en barrique d’un vignoble séparé. Nous le renseignons, car ce cru est la quintessence de ce que nous avons vu: un mélange d’arômes de broussailles, d’herbes sauvages, de feurs et de la gouleyance du grenache, le tout fondu dans un seul vin, fai-sant partie de l’assemblage de Navaherreros.

• Navaherreros 2008. Pur, ferme, captivant, correct, un peu rete-nu. Probablement plus expressif dans le futur.

• Viña Bonita 2008. Délicat avec des arômes de fruits rouges, d’herbes et d’épices. Frais en bouche avec une texture rafnée, de la structure et de la longueur.

Notre route du Grenache s’arrête ici. Mais la Sierra de Gredos n’est pas un point fnal. Il semblerait qu’on trouve même des vignobles de garnacha dans la région pluvieuse de Valdeorras (Galicie). Ils ont été plantés un jour pour assouvir la soif des êtres humains. La morale de cette histoire viticole dit que, 100 ans plus tard, notre soif a acquis des lettres de noblesse.