This is a SEO version of Flipbook VINO FR 1-2012. Click here to view full version
« Previous Page Table of Contents Next Page »Par Eric Boschman
30
Le parent pauvre des cartes des vins des res-taurants chinois pour accompagner le 112 et les 234, celui que l’on utilise lorsque l’on ne sait pas quoi faire. Le rosé est un vin qui vé-hicule une kyrielle d’images plus ou moins négatives en fait.
Mais pourquoi tant de haine ?
C’est complexe, peut-être faut-il chercher dans le côté transgenre de ce vin son rejet. Pourtant, le rouge dense, n’a pas toujours été l’apanage des rouges.
Prenez la «marque» la plus connue de la pla-nète: Bordeaux. Il y a quelques siècles, on l’appelait clairet tant il était loin de sa den-sité actuelle. Et c’est le nom actuel des bor-deaux rosés foncés, pour les décaler des ro-sés habituels, du tout venant planétaire. Si l’on regarde la densité colorante des grands pinots noirs classiques de la Bourgogne, nous sommes loin aussi, très souvent, de vins noirs comme la nuit. C’est peut-être un début de piste. Il y a aussi, dans les arguments dignes de haine, les productions franchouillardes de l’immédiat après-guerre destinées plus par-ticulièrement aux dames. Des rosés, parce que les femmes aiment cette jolie couleur. Et comme les femmes aiment la douceur, on a fait des rosés doux. Certes, ça eut marché, mais pas longtemps, par contre au niveau de l’image, c’est moyen. Et ça laisse des traces dans la mémoire collective.
Le style des rosés évolue
On le voit, par exemple en Espagne, où longtemps on avait des vins alcooleux, limites oxydatifs, et où l’on trouve, aujourd’hui, des rosés croustillants et vifs. C’est un peu la même chose au Portugal, où les vins plus édulcorés restent sur place, alors que les vins plus nerveux sont destinés à l’export. Le monde du rosé évolue très vite en Europe. Les provençaux, un peu les rois du macadam en matière de rosé jusqu’à présent, font des vins un rien plus denses, plus gras, ronds, et les autres font des vins moins doux. Le risque étant le même d’ailleurs pour que pour les deux autres couleurs, c’est à dire une unifor-mité de plus en plus en grande.
Et les prix...
Pour en revenir à la psychanalyse sommaire du phénomène rosé, on peut en arriver, en dehors de son soit disant manque de carac-tère, à la notion de prix. A quelques très rares exceptions près, les prix sont souvent bas à propos des rosés. C’est logique, ces vins pei-nant à acquérir leurs lettres de noblesses, les clients ne sont pas prêts à débourser plus que quelques euros. Cette notion de lettre de no-blesse, ou, pour parler plus simplement, de qualité en hausse, pourrait apparaître, mais doucement, grâce au travail des prescripteurs de terrain et engendrer un meilleur position-nement tarifaire à terme pour les producteurs. Les sommeliers et restaurateurs, surtout dans le sud de notre gentil royaume, proposent de plus en plus souvent le rosé hors de l’été, pour accompagner des plats bien déterminés. Pour une fois qu’une tendance vin vient du Sud, c’est le moment de regarder ce qui se passe. Il faut dire que cette image positive passe par la présentation de rosés qui peuvent vieillir un peu, peut-être que les fermetures à capsules type «Stelvin» aident l’air de rien à ce chan-gement, même si chez nous elles sont souvent synonymes de vins pas très chers, ce qui est un rien contradictoire.
Mais l’aspect le plus particulier du rosé réside dans la schizophrénie champenoise et dans le monde des effervescents. Si le rosé tranquille mérite souvent, bien malgré lui, le gobelet en plastique et quelques glaçons au sortir direct du cubi estival sur le bateau ou sur la plage aux relents d’huile solaire, il n’en va pas de même, du rosé qui fait pschiiiit. Si vous re-gardez, par exemple, le prix d’un champagne
rosé par rapport à une champagne blanc, il y a quelque chose qui laisse un peu pantois. Pourquoi ? Ce n’est pas tant la différence ta-rifaire qui est surprenante, mais surtout l’atti-tude des consommateurs qui trouvent ça tout à fait normal. D’autant que les coûts de pro-duction d’un rosé effervescent ne sont pas plus élevés que ceux d’un blanc, quelque soit l’appellation. Certes, au vieillissement, sur-tout chez les grands champagnes, le rosé prend une ampleur particulière, et lorsqu’il est de grande classe, il exprime des choses étonnantes au niveau des saveurs. Donc, le rosé peut vieillir, et il gagnerait même beau-coup à vieillir. Mais seulement lorsqu’il est haut de gamme, plutôt millésimé et même carrément plutôt issus de cuvées d’exceptions.
Pour résumer
Le rosé est un vin plus ou moins sec, pas très cher, qui commence doucement à se vendre hors des jours ensoleillés, sauf quand il a re-fermenté en bouteille; alors là il peut vieillir longtemps et se vendre à des prix qui dé-passent les blancs.
La solution semble si simple qu’elle est sim-pliste; le rosé est un vin à parts entières, une réalité économique qui représente une part de marché de plus en plus importante. On évo-quait, il y a quelques années, pas loin d’une trentaine de pour cent du commerce global en perspective dans les dix ans à venir. Certes, on dirait que l’on n’y est pas vraiment, mais l’évo-lution de la consommation est indéniable. La qualité globale est en hausse constante. C’est le moment d’ouvrir ses neurones et de décou-vrir ces vins parfois vraiment originaux.
Bref état des lieux des idées reçues à propos de cette couleur que l’on dit être un vin. On dit: «les rosés», alors que l’on ne dit pas les blancs ou les rouges de la même manière du tout. Pourquoi ?
This is a SEO version of Flipbook VINO FR 1-2012. Click here to view full version
« Previous Page Table of Contents Next Page »